Par un matin calme pendant la saison de croissance, si vous vous accroupissez près d'une haie et tendez l'oreille, vous entendrez peut-être le bourdonnement avant même de voir l'insecte, le bourdonnement grave et régulier d'une abeille sauvage dans son pèlerinage quotidien.
On dit souvent que les abeilles sont le signe d'un écosystème sain. Mais, si elles étaient plus que cela ? Si elles étaient des narratrices, des messagères véhiculant des récits sur les fleurs, les arbres et le souffle de la terre elle-même ? Chaque abeille qui s'aventure hors de son nid participe à une chorégraphie silencieuse, écrivant l'histoire d'un lieu à chaque vol.
En visitant les fleurs disséminées dans les champs, à la lisière des forêts et dans les parcelles agricoles, elle récolte plus que du nectar. Dans son petit corps, elle recueille des traces de pollen, d'air, de substances chimiques et d'espèces qui l'entourent. Lorsqu'elle retourne à son nid, elle rapporte avec elle un témoignage de l'endroit.
C'est cette routine sacrée que BeeOdiversity apprend à écouter.
Avec leurs BeeÔtels en bois, des abris simples et discrets, ils offrent un foyer aux abeilles sauvages. En retour, ils reçoivent des histoires écrites dans le pollen et l'argile. Les abeilles, à leur manière humble, deviennent des chercheurs de terrain, infatigables et impartiaux.
Au cœur de cette initiative se trouve le projet BeeOmetrics. Lancé en 2024, il associe la sagesse des abeilles à la curiosité scientifique. Avec le soutien du Conseil européen de l'innovation et grâce à des partenariats avec la Earthworm Foundation, ce projet invite les agriculteurs à approfondir leur relation avec leurs terres, en devenant les gardiens, les observateurs et les compagnons d'apprentissage des abeilles.
L'agriculture a toujours évolué au rythme de la nature. Les champs ne sont pas seulement des lieux de production, mais aussi des écosystèmes vivants façonnés par des générations de mains et de racines. Le sol, les arbres, les insectes et les cultures partagent tous un rythme fragile, que l'agriculture moderne doit de plus en plus apprendre à respecter.
C'est là qu'interviennent les BeeÔtels. Conçus par BeeOdiversity pour s'intégrer discrètement dans le paysage, ces petits abris en bois invitent les abeilles sauvages, principalement solitaires, à y nicher. Une invitation discrète à la nature à faire ce qu'elle fait le mieux.
Chaque BeeÔtel contient deux cadrans, parsemés de tubes creux. Chaque hôtel est marqué d'un code QR et d'un numéro, ce qui permet aux agriculteurs de les suivre facilement. C'est un petit geste de gestion responsable, un agriculteur qui s'incline pour observer, et non pour contrôler.
Chaque BeeÔtel contient deux cadrans, parsemés de tubes creux. Chaque hôtel est marqué d'un code QR et d'un numéro, ce qui permet aux agriculteurs de les suivre facilement. C'est un petit geste de gestion responsable, un agriculteur qui se penche pour observer.
« Toutes les deux semaines, l'agriculteur prend le temps de scanner le code, de photographier les cadrans et de replacer délicatement les tubes qui ont été occupés. Lorsqu'une abeille pond un œuf, elle scelle le tube avec un bouchon fait de terre ou de résine, laissant derrière elle une trace de son passage : un mélange de pollen, parfois de nectar, et les histoires des plantes voisines », explique Quentin Meekers, responsable biométrique (biodiversité).
Ces minuscules capsules renferment une mine d'informations.
Les scientifiques peuvent en extraire l'ADN pour identifier les espèces végétales présentes dans la région et utiliser des analyses chimiques pour détecter les polluants environnementaux. Même les capsules elles-mêmes contiennent des indices :
leur texture, leur forme et leur composition permettent de déterminer quelle espèce d'abeille y a niché et quel est le degré d'activité de la population locale.
Grâce à l'intelligence artificielle (IA), toutes ces informations sont traitées pour donner une image claire de la santé environnementale. À partir de là, BeeOdiversity propose ensuite des recommandations pour réduire la pollution, améliorer la biodiversité et créer un meilleur équilibre sur le territoire.
« Cette année, Earthworm Foundation s'est jointe à l'aventure en installant des BeeÔtels dans deux fermes françaises, à Gennes-Ivergny et Sauvillers-Mongival. L'objectif était de comprendre comment les arbres, en particulier les haies, influencent la biodiversité et la qualité de l'environnement », explique Pauline Caron, responsable du projet agroforestier chez Earthworm Foundation.
Les BeeÔtels ont été répartis sur trois types de parcelles :
- des champs ouverts sans arbres,
- des champs avec des haies jeunes de moins de cinq ans, et
- des champs avec des haies matures de plus de dix ans, explique-t-elle.
Chaque site est devenu un chapitre d'une expérience vivante, avec les abeilles comme observatrices.
Plus de 100 tubes bouchés ont été collectés jusqu'à présent. Les agriculteurs ont déjà réalisé sept relevés photographiques. Un rythme régulier s'installe, fait de curiosité et d'attention. Sept relevés photographiques ont déjà été réalisés par les agriculteurs eux-mêmes. Et un rythme régulier s'installe, fait de curiosité, d'attention et de collaboration entre les personnes et le lieu.
En tant que responsable de projet agroforestier à la Earthworm Foundation, Pauline Carron aide les agriculteurs à planter des arbres et des haies qui restaurent la biodiversité, protègent les sols et renforcent la résilience face au changement climatique. Venez découvrir sur le terrain comment Pauline travaille avec les agriculteurs et ses partenaires pour transformer les paysages agricoles du nord de la France. Ensemble, ils montrent que l'agroforesterie ne consiste pas seulement à planter des arbres, mais aussi à créer une harmonie entre les hommes, la nature et les moyens de subsistance.
Depuis le lancement du projet BeeOmetrics en 2024, près de 200 BeeÔtels ont été installés à travers l'Europe. Les résultats complets de la collecte de données seront publiés début 2027 et seront disponibles sur www.beeometrics.com.
Earthworm Foundation prévoit de poursuivre ce travail en 2026, en intégrant de nouveaux capteurs dans les BeeÔtels afin de surveiller des indicateurs supplémentaires tels que la pollution atmosphérique (NO₂, NH₃, particules fines, PM2,5 et PM10), ainsi que la température et l'humidité. Ensemble, ces données nous aideront à mieux comprendre l'impact des arbres non seulement sur la biodiversité, mais aussi sur l'air que nous respirons.
Au fond, ce projet porte sur la régénération, la terre, les relations et la manière dont nous observons et interagissons avec la nature. Il reflète la conviction de la Earthworm Foundation selon laquelle les arbres sont nos alliés dans les terres agricoles et que l'innovation ne doit pas nécessairement être synonyme de perturbation ; elle peut aussi signifier une écoute plus attentive des systèmes qui fonctionnent déjà.
En s'associant aux abeilles et en utilisant une technologie réfléchie, BeeOmetrics offre une voie à suivre, fondée sur la science, mais aussi sur l'humilité. Cela nous rappelle que parfois, les plus petits travailleurs peuvent nous révéler les plus grandes vérités. Et que le changement commence souvent par les actions les plus discrètes, comme une abeille qui trouve refuge dans un abri en bois et un agriculteur qui choisit d'y prêter attention.